![]() |
![]() |
Page suivante
![]() |
SPIRITUEL
G. Lipoveski en 1893 appelait, avec mépris, le rire :
"grossière preuve physique du sens qu'on a d'une certaine dysharmonie dans le monde."
Cet homme réalisait-il qu'il exprimait ainsi la capacité de l'homme, cet animal, à progresser vers la conscience absolue ?
Le rire peut désactiver l'Ego et tous ses avatars dont la colère.
La colère fut un travers des dieux mais je ne connais pas de dieux de la
colère... alors que dans beaucoup de civilisations, le rire a son dieu en
particulier l'Egypte ou Hathor est entre autre déesse du rire et de l'amour et Bess
le dieu du rire et... des accouchements.
Nous trouvons là, la création du monde au niveau individuel.
Dans la danse sacrée Indienne, il est cité dans les rasas : Hasya, associé à Promatha.
Les textes sacrés font tous allusions au rire, dans toutes les
traditions.
Il est souvent le compagnon du juste doute qui fait la différence entre le mouton et
celui qui fait preuve de discrimination.
Abraham rit quand Dieu lui dit que sa femme Sarah, agée de 99 ans mettra au monde un
fils.
Et cela ce passe tout au début, dans la génèse ! Ainsi, l'histoire de la
foi commence par le doute et le rire, comme la foi elle même.
Mais le plus souvent, c'est le dieu, les dieux, le créateur, ou la matière
divine qui rient.
Un proverbe juif dit :
"L'homme pense, Dieu rit"
Il s'agit d'une belle opposition entre les deux composantes de l'être humain, son intellect, son Ego et le Divin, la réalité, le Soi, (et son expression terrestre dans la création du monde, le Son).
Un ancien papyrus disait :
"Dieu ayant ri, naquirent les 5 dieux qui gouvernent le monde."
Ici, le rire peut être entendu comme le son primordial, le verbe ("au début était le verbe").
En effet, le rire est un CHAOS, un
chaos personnel sans lequel la lumière ne pourrait naître, la lumière,
l'ordre dans le sens personnel du terme. Certains sens sociaux que l'on donne à
l'ordre et au chaos sont à l'opposé de l'esprit du Yoga, car ils sous entendent
une violence faite à l'individu.
En effet dans les yamas on inclut la non violence et dans les nyamas la discipline. Il ne
peut là s'agir que d'auto discipline... car une discipline non complètement
consentie suppose une sorte de violence faite à l'autre, en particulier à
son Ego... et il ne peux pas être sous entendu de non violence qu'a l'égard des
personnes éveillées... chacun de nous, dans son imperfection peut souhaiter ne
pas être "violenté".
Donc seul le chaos personnel et l'ordre personnel sont à prendre en compte
et ainsi, le rire est un chaos personnel qui mène à l'ordre personnel.
On pourra à une autre occasion étudier le chaos social ou cosmique mais ce
n'est pas notre sujet.
En effet, le rire de type social, la dérision organisée contre le
"pseudo" sacré sème le chaos auquel ne succède pas l'ordre
social, mais seulement pour chacun une possibilité d'accéder au chaos
personnel, et à l'ordre personnel.
Le rire est aussi un outil qui en désactivant l'Ego efface la cause
de la douleur
comme dans la posture, quand un point fait trop mal, on le laisse se détendre, on
travaille, on assouplit autour, jusqu'à pouvoir un jour travailler sur le point
où la douleur, la tension, s'effacent progressivement.
L'usage de l'humour et de la dérision peut correspondre à ce que patanjali
préconise dans ce sutra
(sadhana pada II.10) :
"Quand ces causes de souffrance sont légères, on peut les éliminer en les prenant à contre-courant."
Le rire, l'auto dérision est
quelque fois un acte de déni de soi, d'une personne qui se fait volontairement du mal,
mais c'est surtout souvent un acte de pure foi.
Le rire s'il peut être une carapace et un acte destructeur de l'Ego de l'autre, peut
lorsqu'il s'adresse à soi même, ôter la carapace de crainte que nous
opposons aux autres, nous livrant ainsi à eux, dans la foi que nous avons en l'autre.
Le rire vient de la confrontation à l'absurde... alors si le sage
peut tout comprendre tout accepter tout pardonner, rien ne lui est inconnu.
C'est pour cela que le rire du sage n'est pas fait d'éclats, mais de rire d'amour.
Mais sur le chemin que nous, pauvres humains ordinaires devront emprunter, il faut bien
désacraliser l'apparence et l'impur, pour laisser paraître la
vérité et le pur, c'est aussi le travail du rire.
D'ailleurs, on parle de droit à la dérision et au
blasphème... Pourquoi pas ?
Dieu pourrait-il s'offusquer ou seulement l'Ego de ceux qui prétendent seuls
détenir la vérité ?
L'exercice du pouvoir religieux a souvent occulté la notion de rire, car le rire du
doute légitime s'il ne peut pas mettre Dieu en danger peut faire chanceler les
autoritaires et un édifice institutionnel basé sur des données
sociales plutôt que sur l'individu.
Le rire est un moyen d'agir, donc un pouvoir. Et, comme tous les pouvoirs, (normaux comme parler, penser, agir, marcher, aimer...) ou supranormaux (vous verrez bien quand vous les aurez !), il doit être utilisé de façon juste.
Peut on pratiquer le rire comme le Yoga ?
On voit fleurir depuis plusieurs années des stages de rire et d'aucun les regardent
de franchement haut... Il faut dire... des gens qui s'assemblent en pensant obtenir de la
détente avec des exercices de respirations en se laissant aller à
"lacher-prise" peuvent surprendre... Mais n'en était-il pas de même de
ces gens qui pratiquaient le Yoga il y a quelques temps de cela...
La ressemblance avec le Yoga ne s'arrête pas là. La pratique physique n'est
qu'un élément de la démarche vers la clarté de l'âme. Il
peut aussi être pratiqué dans la non-violence et toutes les formes de respect
que cela inclut, de la part de celui qui rit comme l'acceptation de la part de celui qui fait
rire de lui, et de non violence envers soi même.
Comme dans la pratique du Hatha Yoga ou toutes sortes de Yoga, le seul moyen de transformer ce que nous sommes est d'en prendre conscience et de le soumettre au feu de ce qui est en nous l'être réel, d'amour, de compassion et de non jugement.
Le Dalaï Lama : " ma distraction préférée : Rire.
![]() |
![]() |
Page suivante
![]() |